Le Royaume-Uni, l’Ecosse et l’Europe

Britain and Europe

Le 3 novembre 2015 le Royaume-Uni a finalement exposé ses demandes précises de réformes auprès de l’Union Européenne. Le message est annoncé avec clarté : soit les Européens acceptent les conditions britanniques, soit le Royaume-Uni quittera l’Union.

A peine élu, en mai 2015, David Cameron avait en effet mis sur les rails son référendum pour 2016 ou 2017. La question posée sera : Le Royaume-Uni doit-il rester membre de l’Union ?

David Cameron a fait savoir que le Royaume-Uni exigeait une refonte des règles européennes, comme condition de son maintien dans l’Union. Grosso modo il s’agit d’officialiser le principe d’une Europe limitée et à plusieurs vitesses qui n’irait pas au-delà de ses prérogatives actuelles et laisserait au Royaume toute latitude pour conserver ses spécificités et n’adopter des règles européennes que celles qui lui conviennent.

Les élections législatives de mai 2015 ont fait date dans l’histoire politique du Royaume-Uni. Contre toute attente, David Cameron, le leader conservateur au pouvoir depuis 2010, a été reconduit par les électeurs. Le parti conservateur a obtenu la majorité absolue des sièges. Il a cannibalisé son ancien allié, le parti libéral démocrate, qui lui apportait jusque-là la cinquantaine de députés nécessaire à la majorité et qui a perdu la quasi-totalité de ses sièges.Le parti anti-européen et anti-immigration UKIP a confirmé son influence en recueillant près de 3 millions de voix mais son poids parlementaire reste infime avec un seul député élu.Le parti travailliste que certains sondages donnaient gagnant a subi un lourd revers.

Enfin, les nationalistes écossais du SNP ont réalisé un véritable raz-de-marée en raflant la quasi-totalité des sièges de l’Ecosse, autrefois bastion travailliste.

Cameron va donc reconduire sa politique libérale, portée par un succès relatif de l’économie britannique ; là où les autres européens et en particulier la France peinent à sortir du marasme économique et du déficit public, le Royaume Uni se porte un peu mieux en termes de croissance et d’emploi.

L’enjeu central des deux années à venir reste la question du référendum prévu au plus tard en 2017 pour la permanence ou la sortie du Royaume Uni de l’Union européenne. Cameron a décidé de faire chanter l’Union européenne, puisqu’il a indiqué que si l’Europe ne répondait pas à ses demandes de réforme, il pourrait être amené à promouvoir lui-même le Britex (Britain Exit).

L’affaire reste pourtant ambiguë car le Royaume Uni est déjà hors espace Schengen, hors zone euro et hors Charte des droits fondamentaux. En outre et surtout, Cameron n’a pas jusque-là formulé de demandes claires. Il a seulement indiqué qu’il avait deux objectifs généraux : une refonte des politiques migratoires d’une part et d’autre part des garanties accrues pour la City face aux politiques monétaires de l’Union.

N’ayant pas encore indiqué ses exigences tout en leur ayant donné publicité, le premier ministre conserve ainsi à bien des titres une marge de manœuvre. Il entend rester maître du jeu et a su faire de la nature de ses demandes le futur centre de gravité de toute cette question. Il surfe sur la vague de l’anti-européanisme avec pour l’instant beaucoup d’habilité et en défiant les 27 autres pays européens. Reste à savoir jusqu’à quel point il ne sera pas débordé par les événements qu’il prétend manipuler.

L’opinion publique britannique semble être devenue majoritairement prête au divorce tandis que la communauté s’inquiète d’une sortie de l’Union qui l’affaiblirait, la décrédibiliserait et risquerait de l’entraîner sur la pente de la désagrégation.

Paradoxalement, ce sont les Ecossais qui peuvent sauver l’appartenance du Royaume-Uni à l’Europe.

L’écrasante victoire des indépendantistes écossais à l’élection de mai 2015 est en ce sens plutôt une bonne nouvelle pour l’Europe. En effet, si le Royaume Uni menace de quitter l’Europe, il est à son tour menacé d’abandon par l’Ecosse. Le gouvernement conservateur de Cameron et l’opinion publique britannique sont ainsi pris au piège de leur propre inclinaison au séparatisme : est-il vraiment possible de le souhaiter vis-à-vis de l’Europe et de le rejeter vis-à-vis des Ecossais ?

Le gouvernement de Cameron avait réussi à gagner de justesse le référendum de 2014 sur l’indépendance écossaise en s’engageant à d’importants transferts de souveraineté. Les Ecossais les attendent. Comme beaucoup de régionalistes en Europe, ils sont d’autant plus pro-européens qu’ils sont anti-britanniques. Le SNP veut le maintien de l’Ecosse dans l’Union européenne et a annoncé clairement qu’il y a là un casus belli définitif et qu’il pourrait faire sécession du Royaume Uni si celui-ci venait à quitter l’Union…

Cameron se garde donc d’apparaître un partisan du « Britex ». Tout en confirmant que le référendum aurait bien lieu, il a déclaré qu’il pourrait faire campagne pour le maintien du Royaume Uni dans l’Union si celle-ci donnait satisfaction à ses deux demandes.

Un scénario de sagesse s’esquisse par lequel le gouvernement britannique serait attentif à répondre aux attentes de ses autonomistes écossais tandis que l’Union Européenne devrait négocier les demandes de Cameron.

La recomposition des pouvoirs qui partout s’effectue fait glisser les prérogatives des Etats nationaux vers les instances de gouvernance continentale et vers des échelles inférieures de pouvoirs régionaux. Ce principe pourrait trouver ainsi son juste équilibre au goût des britanniques : moins d’Europe mais toujours l’Europe, plus d’Ecosse mais toujours l’Ecosse !               Copyright by Elead 18 11 2015

ecosse

 BY ELEAD LE ROYAUME UNI, L’ECOSSE, L’EUROPE : DATES CLEFS DEPUIS 1997
1997 Référendum sur la dévolution de pouvoir à l’Ecosse : les Ecossais se prononcent à 74 % en faveur de l’établissement d’un parlement écossais et à 63 % pour la possibilité d’une fiscalité autonome
1998 Scotland Act qui donne à l’Ecosse son parlement et son gouvernement
1999 La première élection du parlement est suivie de la nomination d’un gouvernement et d’un premier ministre écossais (first minister)
2004 Le gouvernement de Tony Blair signe le traité constitutionnel européen
Juin 2005 Le Royaume-Uni suspend la réalisation du référendum sur le traité constitutionnel en raison de la victoire du « non » au referendum français (qui enterre de fait le traité)
2007 Le travailliste Gordon Brown remplace Tony Blair à la tête du parti travailliste puis comme premier ministre
2008 La Chambre des Communes puis la Chambre des Lords ratifient le traité de Lisbonne. Celui-ci comprend cependant à la demande expresse des britanniques une clause dérogatoire exonérant le Royaume Uni des obligations liées à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, ainsi que de celles qui concernent la Charte des droits fondamentaux
2010 La victoire des conservateurs aux législatives leur permet, en s’alliant avec les libéraux démocrates, de porter David Cameron au poste de Premier Ministre
2013 Cameron annonce la réalisation d’un référendum si l’Europe ne répond pas à la demande de réforme du Royaume Uni
2014 Référendum sur le maintien de l’Ecosse dans le Royaume Uni : les Ecossais votent à 55 % contre l’indépendance
Mai 2015 Victoire des conservateurs : Cameron est reconduit au poste de Premier Ministre et confirme la réalisation d’un référendum sur la sortie de l’Union

 Le dessin humoristique :

dessin humoristique UK