La crise en Ukraine

 

Le fragile accord de paix de 2015 entre le gouvernement de Kiev et les séparatistes des républiques orientales semble s’être encore fragilisé depuis mars 2017. Tandis que les violations de cessez-le-feu sont multiples de part et d’autre, le gouvernement de Kiev a décrété un blocus sur les dessertes ferroviaires de marchandises vers les républiques sécessionnistes. Celles-ci ont commencé à procéder à l’expropriation d’entreprises aux mains de propriétaires non locaux.

A l’échelle internationale la question ukrainienne reste l’une des sources principales de tension entre la Russie, exclue du G8 depuis l’annexion de la Crimée, et l’Europe, appuyée en cela par les Etats Unis

Signés en février 2015 par la Russie, l’Ukraine, la France et l’Allemagne, les accords de Minsk étaient censés mettre fin à la guerre civile à l’est de l’Ukraine. Ces accords prévoyaient le cessez-le-feu total et le retrait des armes lourdes. Ils annonçaient une réforme constitutionnelle de l’Ukraine conférant un statut spécifique aux territoires séparatistes de Lougansk et de Donetz. Par ailleurs l’accord aurait dû permettre la réalisation d’élections législatives, puis la réintégration des régions séparatistes au sein d’une Ukraine plus fédéraliste mais conservant son intégrité territoriale

Deux ans après les accords de Minsk rien n’est résolu, la situation sur place reste explosive. Des heurts sporadiques voient s’affronter les rebelles pro-russes d’un côté et les forces loyalistes ou les milices de volontaires nationalistes anti-sécessionnistes d’autre. Le dialogue, est aléatoire et le désarment des forces en présence n’a pas eu lieu. Aucune des deux parties n’a vraiment voulu appliquer l’accord de paix. Kiev ne peut s’y résoudre, tandis que les séparatistes craignent, une fois posées les armes, de subir une reprise en main.

 L’Ukraine déchirée entre l’influence européenne et l’influence russe

La crise ukrainienne est l’un des prolongements tardifs de la chute de l’empire soviétique. Le pays est divisé entre l’ouest catholique, de langue ukrainienne, plus rural, plus pauvre, pro-européen et l’est, orthodoxe, de langue russe, doté d’une très puissante industrie lourde et d’une forte activité minière. La lutte d’influence aux débuts des années 2010 entre l’Union Européenne et la Russie pour obtenir du gouvernement ukrainien un accord général de commerce a contribué à faire glisser chacune des « deux Ukraine » vers son mentor naturel.

La crise a éclaté en 2013. La division a tourné à l’affrontement entre l’opinion pro-russe prédominante l’est et au sud de l’Ukraine et l’opinion pro-union européenne dominante à Kiev et à l’ouest du pays . L’abandon de la signature de l’accord d’association avec l’Union Européenne par le gouvernement pro-russe de Victor Ianoukovitch avait  provoqué la colère des pro-européens. Leur mouvement a vite pris une tournure insurrectionnelle, Des manifestations géantes sur la place Maidan, à Kiev, ont alors fait tomber le pouvoir et obligé le président Ianoukovitch à prendre la fuite et à se placer sous la protection de la Russie. Un gouvernement provisoire pro-européen s’est installé en février 2014.

map of Ukraine

Le rattachement de la Crimée à la Russie, source de rupture entre l’Ukraine et la Russie et facteur de vives tensions internationales.

Face au nouveau pouvoir pro-européen né de l‘insurrection de 2014, la Crimée, à population russophone majoritaire, a immédiatement déclaré son indépendance puis s’est rattachée à la Russie. Les autonomistes ont légitimité leur coup de force par l’organisation d’un référendum le 16 mars 2014 où 83% des votants ont répondu « oui » au principe de l’intégration de la Crimée dans la Fédération russe. Cette indépendance a été reconnue par la Russie qui a d’ailleurs envoyé des troupes pour la garantir, provoquant une crise diplomatique internationale.

Les premières sanctions internationales, et notamment européennes, sont tombées et la Russie a été exclue du G8.

Les élections générales ukrainiennes du 25 mai 2014 ont conduit à l’élection de Petro Porochenko, pro-européen, à la présidence, dès le premier tour. Celui-ci a dissout la Rada, le parlement monocaméral d’Ukraine et convoqué de nouvelles élections législatives qui lui ont permis d’obtenir une majorité politique à la chambre.

L’actuel gouvernement ukrainien refuse d’entériner l’intégration de la Crimée à la Russie et dénonce l’expansionnisme russe. Il bénéficie de l’appui de la communauté internationale sur cette question, à l’exception de quelques rares pays comme, la Biélorussie, l’Afghanistan, la Syrie et le Venezuela qui ont reconnu le nouveau statut de la Crimée

Le séparatisme des nouvelles républiques du Lougansk et du Donetz

Depuis 2014, le pouvoir ukrainien est confronté à une véritable guerre civile provoquée par l’ampleur des séparatismes pro-russes dans les régions orientales de l’Ukraine. Une vague de contestations est apparue dans les provinces ukrainiennes à majorité russophones comme le Donbass dès le renversement du président Ianoukovitch en février 2014 – les pro-russes refusant de reconnaitre la légitimité du nouveau pouvoir. De nombreux soulèvements armés ont éclaté, jetant le pays dans une situation confuse et source de vives tensions internationales entre la Russie, directement impliquée, et les pays occidentaux, partisans du maintien de l’unité territoriale de l’Ukraine. En juillet 2014 un vol Malaysia Airlines reliant Amsterdam à Kuala-Lumpur et qui survolait le Donbass a été abattu en plein ciel près de la frontière russe, tuant les 298 personnes à bord. Cela a contribué à amplifier la crise diplomatique, l’armée ukrainienne et les séparatistes s’accusant mutuellement de cette attaque.

tank article Ukraine

En 2014 les séparatistes pro-russes de l‘est ont proclamé unilatéralement la sécession de leurs républiques par la création de deux nouvelles républiques : la république du Donetz et la république de Lougansk, républiques qui se sont ensuite en théorie unifiées sous le nom explicite de Novarussia.

Kiev a refusé de reconnaître ces indépendances, a qualifié les chefs séparatistes de terroristes et envoyé l’armée régulière pour réprimer les soulèvements.

Malgré la supériorité militaire des troupes régulières ukrainiennes, les événements ont plutôt tourné à l’avantage des séparatistes. Leur capacité à organiser des referendums locaux sur l’autonomie (gagnés à de très fortes majorités), à réaliser des élections législatives, à bénéficier de l’appui en armement (voire en volontaires) de la part de Moscou, leur a permis de prendre le contrôle de tout une partie des républiques dont ils ont déclaré la sécession.

La guerre civile a été  meurtrière à cause des attaques d’artillerie et des combats pour contrôler les sites stratégiques. Elle a fait près de 6000 morts entre civils et soldats

Les limites de l’accord de Minsk.

Une première tentative d’apaisement avait été conduite entre les différents protagonistes en septembre 2014. Elle prévoyait une trêve qui n’a pas été respectée.

En février 2015  le second accord de cessez-le-feu, (Minsk II) a été négocié entre les dirigeants des deux gouvernements séparatistes, le gouvernement ukrainien et le gouvernement russe, après une négociation ardue conduite sous les auspices de Vladimir Poutine, d’Angela Merkel et de François Hollande. L’affrontement général entre les troupes régulières ukrainiennes et les milices séparatistes a cessé mais rien n’est véritablement résolu. Une sorte de ligne de front de près de 450 km de long s’est constituée entre les zones du Donetz et de Lougansk encore tenues par le gouvernement ukrainien et les zones désormais au pouvoir des indépendantistes. Les échauffourées militaires sont nombreuses le long de cette ligne, tandis que chaque camp profite en réalité du cessez-le-feu pour renforcer sa capacité militaire.

Pour certaines chancelleries occidentales, la crise ukrainienne esquisse une nouvelle forme de guerre froide. Les médias européens et américains mettent souvent en garde l’Occident face à un nouvel expansionnisme et impérialisme russe qu’incarnerait Poutine. Ce n’est peut-être pas le seul prisme pour comprendre ce conflit et pour le traiter. La crise ukrainienne s’inscrit en réalité en plein dans la nouvelle géopolitique, mondiale : montée des guerres civiles, crises identitaires, affaiblissement de l’Etat, recomposition des échelles géographiques, autonomie croissante des régions à l’égard des nations. Si elle veut la paix intérieure l’Ukraine pourra difficilement faire l’impasse du fédéralisme

Copyright by Elead 07 04 2017

 LES CRISES UKRAINIENNES
Août 1991 L’Ukraine se proclame indépendante à l’égard de l’URSS, un référendum entérine cette indépendance à 90,5 %.
1994 Par le mémorandum de Budapest, l’Ukraine abandonne ses armes nucléaires tandis que le Royaume- Uni, la Russie et les Etats- Unis garantissent son intégrité territoriale
1994 Election de Leonid Koutchma à la présidence de la république. Leonid Koutchma conduit la privatisation de l’économie et sera réélu en 1999, étant l’homme fort de cette phase de transition
2004 La victoire électorale à l’élection présidentielle de Victor Ianoukovytch, pro-russe soutenu par Poutine est contestée par le candidat perdant Victor Iouchtchenko à travers des manifestations massives (la révolution orange), largement encouragées par l’Europe et les Etats –Unis
2004 En conséquence de la révolution orange l’élection présidentielle est annulée. Une nouvelle élection est organisée qui voit la victoire de Victor Iouchtchenko, largement appuyé par les Etats- Unis
2010 Après un mandat politique et économique difficile, Victor Iouchtchenko perd lourdement  les élections présidentielles qui se soldent par la victoire de l’ancien président Ianoukovytch
2010 Un sourd combat politique se livre entre Ianoukovytch et les pro-européens, Ianoukovytch parvenant à faire condamner par les tribunaux, sous accusation de corruption, des figures clefs de l’opposition.
Mars 2013 La décision de Ianoukovytch de ne pas signer l’accord d‘association avec l’union européenne suscite une vague d’opposition
Février 2014 Des manifestations géantes à dimension insurrectionnelle sur la place Maidan, à Kiev, obligent le président Ianoukovytch à prendre la fuite. Un gouvernement provisoire s’installe
Mars 2014  La Crimée décrète son indépendance et son intégration à la Russie
Mars 2014  La résolution 68/262 de l’ONU condamne le rattachement de la Crimée à l’URSS
Avril 2014 Les séparatistes du Donetz et de Lougansk déclarent l’indépendance de leurs républiques
Avril 2014 L’Ukraine envoie les troupes pour empêcher les sécessions de l’est ukrainien. Début de la guerre civile dans ces régions
Mai 2014 Petro Porochenko, entrepreneur milliardaire pro-européen est élu à la présidence de la république.
17 Juillet 2014 Un vol Malaysia Airlines avec 298 passagers à bord est abattu dans le ciel ukrainien, à proximité de la frontière russe .Les séparatistes pro-russes accusés de cet attentat tentent d’en rejeter la faute sur l’armée Ukrainienne
Sept. 2014 Accord de Minsk pour établir un cessez-le-feu qui ne sera pas respecté
Octobre 2014 Porochenko dissout le parlement et obtient une majorité de coalition dans la nouvelle chambre
Février 2015 De nouveaux accords de Minsk obtiennent un cessez-le-feu