La Loi renseignement
L’attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015 a largement déterminé l’adoption d’une loi destinée à faciliter le travail de surveillance du terrorisme, la loi renseignement, promulguée en juillet 2015. Le texte n’est pas sans rappeler le Patriot Act adopté par le Congrès américain au lendemain des attentats du 11 septembre et qui avait donné lieu à une extension des pouvoirs des organes de surveillance américains
La France est ainsi rentrée dans un système de surveillance de masse.
La loi a donné aux organismes de renseignement une grande latitude dans la surveillance générale des réseaux de communication, au titre bien sûr de la lutte antiterroriste mais aussi plus largement au titre de la prévention de la criminalité organisée. La loi renseignement étend même son champ d’application à la préservation des intérêts essentiels de la politique étrangère, de l’économie et des sciences en France.
Les services de renseignement peuvent désormais directement accéder aux données de toute personne auprès des opérateurs télécoms, des services en ligne comme Facebook ou des hébergeurs de site et de blog. Les agents de renseignement n’ont même pas à solliciter ces opérateurs puisqu’il leur est permis d’installer des boîtes noires sur les réseaux pour les observer en permanence. Des algorithmes de surveillance des réseaux numériques destinés à repérer les comportements suspects ont été mis en place.
La loi permet également aux agents de renseignement d’utiliser des appareils d’interception capables de capter les communications de tout téléphone mobile à proximité.
L’état d’urgence
A cette capacité renforcée de renseignement s’est ajoutée une capacité renforcée d’action policière avec l’adoption de l’état d’urgence. Celui a été mis en place à la suite des attentats de novembre 2015 au Bataclan. Il a instauré sur le territoire français un régime d’exception ayant pour but d’assurer la sécurité des citoyens en renforçant les pouvoirs de police des autorités.
Ces textes modifient fortement le régime juridique des libertés individuelles.
L’état d’urgence étend les pouvoirs des autorités publiques en matière policière. Il facilite en particulier les contrôles d’identité, les fouilles de véhicules. Il permet, l’assignation à résidence de toute personne considérée susceptible de menacer l’ordre public. Il donne une large marge de manœuvre aux autorités pour interdire des manifestions et pour fermer temporairement des salles de spectacles et des lieux de réunions. Il autorise la réalisation de perquisitions de jour comme de nuit. Il permet enfin de bloquer des sites internet, des lors que ceux-ci sont considérés comme liés au terrorisme. Ces mesures restent soumises au contrôle du juge administratif
L’Etat d’urgence perdure depuis 2015. Une succession de loi votées au gré des attentats terroristes l’a reconduit. Ainsi il a été prolongé de trois mois par la loi du 20 novembre 2015 adoptée suite aux attentats du Bataclan puis par les lois du 19 février 2016 .et du 20 mai 2016. L’attentat à Nice a conduit à une prolongation de 6 mois, avec la loi du 21 juillet 2016 puis a une nouvelle prolongation de 6 mois avec la loi du 19 décembre 2016 qui le maintient jusqu’ en juillet 2017.
Après bientôt deux années passées sous un régime d’exception renouvelé par 5 fois, des questions se posent.
Beaucoup s’inquiètent de la standardisation de la surveillance de masse. Plus largement des interrogations sont soulevées sur l’adoption et le maintien de ce régime d’exception que certains considèrent comme liberticide. La loi renseignement a été remis en cause par diverses institutions comme la CNIL (la commission informatique et liberté) et le CNR (le conseil national du numérique). Elle avait été également été mise en cause par d’importants acteurs privés du système numérique, en particulier par l’hébergeur OVH. Une vaste pétition avait été publiée par le Monde avant son adoption, « le manifeste des 110 000 contre le Big Brother français ».
L’Etat d’urgence et ses abus ont été largement dénoncé par de nombreux mouvements et en particulier par le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et Amnesty international qui ont pointés ses atteintes profondes aux libertés fondamentales
L’Etat d’urgence est évidemment difficilement compatible avec la notion traditionnelle d’état de droit et par sa nature même peut difficilement s’établir comme une situation permanente. Il oblige à repenser la démocratie et l’arbitrage entre sécurité et liberté.
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