letudiant.fr | 04.11.2015 | Par Cécile Peltier……………….
Baisse des ressources, saturation du marché national… Confrontées à une remise en cause de leur modèle économique, les grandes écoles de management se tournent vers l’entreprise et l’international pour diversifier leurs financements. Le point à l’occasion de la publication du palmarès L’Etudiant des grandes écoles de commerce.
Campus spacieux hyper-connectés, équipes d’enseignants-chercheurs formés dans les meilleurs établissements mondiaux, large réseau d’universités étrangères et d’entreprises partenaires, taux d’insertion professionnelle flatteurs malgré la crise… Les grandes écoles de management françaises restent une valeur sûre, souvent citée en exemple par nos voisins étrangers.
Pourtant, elles ont le blues. « Sur les 32 écoles du Chapitre des écoles de management de la CGE, dix à douze peuvent être considérées comme en grave danger« , diagnostique Loïck Roche, son président.
Une baisse des ressources
En cause, notamment : la baisse des ressources. Mises à la diète par l’État, les CCI (chambres de commerce et d’industrie) ont réduit les subventions qu’elles leur versaient à peau de chagrin. À l’ESC Dijon, par exemple, la dotation est passée de 1,5 million d’euros en 2014 à 1,08 million en 2015 et 900.000 euros en 2016. Les plus prestigieuses ne sont pas épargnées : HEC et l’ESCP Europe perdent environ 13% de leurs effectifs suite au plan de départ volontaire initié par la CCI Paris Île-de-France.
Autre épine dans le pied des écoles : la réforme de la taxe d’apprentissage. Une enquête récente de la CGE révèle une baisse moyenne du barème (partie hors formation par apprentissage de la taxe) de 46% entre 2014 et 2015. Soit une perte de 30 millions d’euros pour les 32 écoles de management de la Conférence, l’équivalent de 300 euros par étudiant.
À ces déboires financiers s’ajoutent des questions structurelles, comme la saturation du marché des classes préparatoires.Au concours 2015, l’ouverture de 300 places supplémentaires pour partie par des institutions de haut de tableau – 50 pour l’EM Lyon ou l’Edhec –, a accentué la difficulté des écoles les plus modestes à recruter. Résultat : plus d’un quart des écoles n’ont pas fait le plein de ce type d’élèves.
De nouveaux campus
Or les écoles ont plus que jamais besoin d’argent pour se développer. Elles ont dépensé des millions pour s’équiper en numérique et adapter leurs locaux aux nouveaux usages. « Si dans un cours, 10 à 15% des activités ne s’appuient pas sur le digital, on risque de perdre l’attention des étudiants », confie Olivier Aptel, le directeur de l’ESC Rennes, qui va consacrer 3 millions d’euros sur trois ans à un plan de digitalisation.
Le nouveau bâtiment intelligent inauguré par l’EM Lyon, lui, abritera au rez-de-chaussée un incubateur et à l’étage un « creativity et learning hub ».
Depuis quelques années, les business schools françaises ont aussi massivement investi dans un corps d’enseignants capables de publier dans les meilleures revues. Objectif : satisfaire aux critères des labels de la CEFDG et des accréditations internationales – Equis, AACSB, Amba, indispensables (ou presque) pour tirer son épingle du jeu sur un marché mondial très concurrentiel.
Si dans un cours, 10 à 15% des activités ne s’appuient pas sur le digital, on risque de perdre l’attention des étudiants. (O. Aptel)
L’international : un investissement sur le long terme
Malgré la baisse des ressources et la hausse des dépenses, les écoles de commerce ne s’avouent pas vaincues. Et expérimentent de nouveaux relais de croissance. Ainsi, les écoles multiplient les implantations à l’étranger : Neoma à Nankai, TBS et l’EM Lyon à Casablanca, l’Inseec à San Francisco…
Leur but : offrir une expérience internationale à leurs étudiants, disposer d’une vitrine pour en recruter de nouveaux et éventuellement les former sur place… « 75% de la croissance de l’école dans les dix prochaines années proviendra de nos activités à l’international avec ces campus comme têtes de pont », estime le DG de l’EM Lyon, Bernard Belletante.
L’ESSEC qui vient d’inaugurer un campus flambant neuf à Singapour, prévoit de poser ses valises au Maroc, à l’île Maurice et peut-être au Mexique : « L’objectif est d’avoir une implantation au moins par continent en lien avec les entreprises de la région« , résume son directeur général, Jean-Michel Blanquer. Des investissements de plusieurs millions d’euros qui ne porteront leurs fruits que sur le long terme.
Le filon de la formation continue
L’executive education est un autre filon que les écoles cherchent à exploiter. Mais la concurrence est rude. Pour se rapprocher de la demande, plusieurs, comme Audencia, ont ouvert des locaux dans la capitale. Déjà dédié aux trois quarts à la formation continue, son campus parisien accueillera en 2016 l’Executive MBA déjà proposé à Nantes, et de plus en plus de formations sur-mesure pour les entreprises. Le segment pèse environ 10% du chiffre d’affaires du groupe, l’idée étant d’atteindre 15% en 2020.
Rescapée du naufrage FBS, le Groupe ESC Clermont, qui vient de retrouver son grade de master et sa place dans la BCE (banque commune d’épreuves), mise notamment sur l’executive education pour trouver un second souffle. Son ambition : passer de 11% à 15% des recettes d’ici à deux ans.
Développer le fundraising
Les écoles de commerce se tournent aussi de plus en plus vers le fundraising. « En recrutant nos diplômés, les entreprises ont accès à des ‘produits’ bien formés, en d’autres termes, des profils qui créent de la performance. Elles doivent soutenir le modèle en nous aidant financièrement« , plaide Frank Bournois, DG de l’ESCP Europe, qui espère franchir en 2015 la barre des 2.5 millions d’euros collectés par ce biais.
En 2013, sur 12 écoles à s’être lancées dans le fundraising, quatre seulement avaient engrangé plus de 500.000 euros.
Pionnière en la matière, la Fondation HEC a levé fin 2013 un peu plus de 110 millions d’euros sur cinq ans. Et pour la prochaine collecte, son nouveau directeur, le Canadien Peter Todd, a bien l’intention de faire encore mieux ! Mais tout le monde ne possède pas la force de frappe de l’école de Jouy-en-Josas : en 2013, sur 12 écoles à s’être lancées dans l’aventure du fundraising, quatre seulement avaient engrangé plus de 500.000 euros.
Nouveau statut, nouvelles marges de manœuvre ?
Les écoles consulaires comptent enfin sur les nouvelles marges de manœuvre offertes par le statut d’EESC (Etablissement d’enseignement supérieur consulaire). « Nous pourrons recruter, fidéliser les meilleurs chercheurs internationaux mais aussi cadres dirigeants, sans référer aux règles consulaires de rémunération en décalage complet avec l’environnement concurrentiel de nos métiers. Nous pourrons racheter des cabinets de conseils, développer des filiales à l’étranger… » se félicite Loïck Roche.
Mais aussi « proposer aux entreprises d’investir dans nos écoles« , ajoute François Bonvalet, directeur général de TBS, actuellement en discussion avec plusieurs d’entre elles.
VERS UNE HAUSSE DES FRAIS DE SCOLARITE ?
Mais tous ces gisements ne seront pas profitables tout de suite, et, à court terme, les ESC auront du mal à ne pas augmenter leurs frais de scolarité. Ils ont déjà progressé en moyenne de 7,6% entre 2013 et 2015. « Une partie des ressources des écoles diminuent, et il devrait y avoir des hausses un peu partout », assure Olivier Oger, directeur général de l’Edhec.
Certaines écoles sont sans doute déjà au-delà du raisonnable ; une douzaine affichent des frais de scolarité quasi répulsifs.
(L. Roche)
Cet été, l’école lilloise a fait couler beaucoup d’encre en passant les droits d’inscription annuels de son programme grande école de 12.500 à 12.900 euros. « Nous avons tout à fait conscience de l’investissement que cela représente, mais nous devons continuer à financer notre développement. Il ne faut pas oublier qu’un étudiant nous revient à près de 20.000 euros par an« , poursuit le directeur. À terme, l’idée est de pratiquer des frais de scolarité au plus près du coût réel, qui permettront de financer des bourses pour les moins aisés. « 20% d’étudiants de l’ESC bénéficient de bourses, l’objectif est d’atteindre 40% en 2020. »
Attention à ne pas casser le jouet, prévient Loïck Roche. Toutes les écoles ne disposent pas de cette marge de manœuvre. « Certaines écoles sont sans doute déjà au-delà du raisonnable ; une douzaine affichant même des frais de scolarité quasi répulsifs. »
L’ARTICLE ORIGINAL SE TROUVE SUR LE SITE DE
educpros.fr