la question de Gaza

La question de Gaza

C’est la tentative d’éviction forcée de familles palestiniennes installées dans le quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est par des colons israéliens qui a ravivé les tensions en Israël, Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Depuis le début de l’année 2020, les autorités israéliennes ont ordonné l’expulsion de 13 familles palestiniennes dans le quartier résidentiel de Sheikh Jarrah situé à moins d’un kilomètre des murs de la vieille ville de Jérusalem.

A la suite de ces tentatives d’expulsions, les Palestiniens de Jérusalem ont manifesté pendant plusieurs jours dans la ville trois fois Sainte. Ces soulèvements ont été violemment écrasés par les autorités israéliennes. Vendredi 7 mai, soit une semaine après le début de l’insurrection, la violence monte d’un cran : au moins 200 Palestiniens et 17 policiers israéliens sont blessés sur l’esplanade des Mosquées. La police aurait fait usage de grenades assourdissantes et aurait tiré des balles en caoutchouc à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa (AFP).

Une fulgurante escalade de la violence

 En réaction, le Hamas, organisation armée basée dans la bande de Gaza, demande expressément à Israël de retirer ses soldats de l’esplanade des mosquées et du quartier de Sheikh Jarrah. Sans succès. Lundi 10 mai, une salve de roquettes vise Jérusalem. Elle est revendiquée par le Hamas. En réponse, Israël bombarde massivement la bande de Gaza. Il vise plusieurs immeubles abritant – selon les services de renseignements israéliens – des dirigeants du Hamas, les bureaux de l’organisation armée et les lieux où les armes seraient stockées.

Dans certaines villes mixtes israéliennes comme à Lod, Saint-Jean-d’Acre, Haïfa ou Ramla, des heurts finissent par éclater entre juifs et arabes israéliens : des synagogues sont brûlées, des écoles religieuses vandalisées, et des citoyens lynchés. Les observateurs internationaux et les autorités redoutent la guerre civile. Samedi 15 mai, une tour de la ville de Gaza hébergeant les locaux d’Al-Jazeera et de l’agence de presse américaine Associated Press (AP) est pulvérisée, par une frappe annoncée quelques minutes avant par l’armée israélienne. Une attaque qui provoque de vives réactions sur les réseaux sociaux et largement critiquée par la communauté internationale qui peine à faire de réelles déclarations.

 

Un conflit observé de loin par la communauté internationale mais qui agite les foules du monde entier

 Si les Etats-Unis ou l’Allemagne affirment qu’Israël a “le droit de se défendre contre des attaques terroristes”. La France reste plus discrète sur ce dossier. Elle se contente d’appeler à l’apaisement via des communiqués. Des mobilisations en soutien aux Palestiniens sont organisées partout dans le monde. En France, certaines manifestations sont interdites par les préfets de peur de voir des heurts éclater. C’est le cas à Paris. Depuis le début de l’escalade, le Conseil de sécurité des Nations Unies a tenu quatre réunions (dont trois à huis-clos) sur le conflit israélo-palestinien. Les membres du Conseil ne sont pas parvenus à s’entendre sur une déclaration ou résolution communes.

La désescalade

 Pendant 11 jours consécutifs, la bande de Gaza continue d’être bombardée. De son côté, le Hamas réalise plusieurs milliers de tirs de roquettes (4000) en direction de Tel Aviv et la portée des tirs impressionne. 95% de ces tirs sont interceptés par le dôme de fer, joyau de la défense militaire israélienne, il abat en vol les projectiles de petite et moyenne portée.

Jeudi 20 mai, le cessez-le-feu est déclaré. Il entre en vigueur le lendemain matin. Israël déplore 12 morts. Le ministère de la santé dans l’enclave, contrôlé par le Hamas, dénombre 232 morts dont une soixantaine d’enfants et 58 000 déplacés.

Déjà en 2018 l’affrontement de « la marche du retour »

 Les tensions extrêmes entre Israël et les Palestiniens de la Bande de Gaza sont récurrentes. Le dernier épisode particulièrement dangereux datait de 2018. La population de Gaza s’était alors lancée dans un vaste mouvement de manifestations anti-israéliennes « la marche du retour » qui réclamait le droit des palestiniens à récupérer leurs terres perdues.

Les manifestations, programmées chaque vendredi, défiaient l’armée israélienne qui surveillait la frontière. Elles prenaient alors l’allure d’une nouvelle intifada et créaient sur place une situation explosive. Israël craignant le débordement de la frontière par la foule des manifestants à réprimé violemment toute tentative d’approche. Les manifestants les plus radicaux s’en prenaient aux soldats garde-frontière à coup de cocktail molotov. L’armée israélienne a alors reçu carte blanche pour empêcher toute chute de la frontière. Elle a placé des centaines de snipers qui devaient empêcher toute avancée de la foule et tiraient à balles réelles sur les manifestants.

 

La question de Gaza est posée depuis plusieurs décennies.

Ce territoire de 41 km de long pour environ 9 km de large est l’un des plus densément peuplé du monde et compte près de 2 millions d’habitants. La bande de Gaza, coincée entre l’Egypte, Israël et la Méditerranée est sujette à de nombreux affrontements. Elle aurait dû relever d’un Etat palestinien prévu par la résolution de l’ONU de 1947 mais celui-ci n’a pu prendre naissance. Elle est en réalité passée de main en main, administrée d’abord par les Égyptiens puis par les Israéliens dont l’occupation a provoqué le soulèvement populaire de l’intifada. Les accords d’Oslo de 1993, donnant naissance à un Etat palestinien ont donné son autonomie partielle à Gaza ; Les élections de   2005 ont amené au pouvoir le Hamas, mouvement radical islamiste, classé organisation terroriste internationale par les Etats Unis En réalité depuis 2000 la situation de la bande de Gaza n’a cessé de se dégrader.

Une enclave  marquée par la pauvreté et le chômage

La zone est en effet à la fois une des plus denses du monde (5 479 hab. au km2), l’une des plus pauvres (PIB par hab. aux alentours de 1641 $ par an), l’une des plus troublées politiquement. Elle est en outre l’une des plus récessives, victime de son instabilité politique, de son enclavement et de l’étouffant blocus qu’Israël a lancé contre elle au moment de l’arrivée du Hamas au pouvoir. Le PIB par habitant a reculé

Depuis 1994, le chômage touche entre  un tiers et la moitié de la population. La population a été multipliée par 10 depuis 1948, sous la pression de la forte fécondité. Le pays vit sous rationnement y compris pour l’électricité fournies par Israël et impayée par le gouvernement du Hamas : la population n’en dispose que de six heures par jour.

Rien de surprenant à ce que, dans un tel contexte, la situation politique déjà explosive ait abouti à un conflit armé. Les relations entre les Gazaouïs et les Israéliens n’ont jamais été bonnes mais la coexistence initiale a cédé progressivement place à une radicalisation anti- israélienne à laquelle Tel Aviv n’a jamais su répondre autrement que par la force.

La crise s’est singulièrement aggravée il y a une dizaine d’années, lorsque la population de la bande de Gaza a voté majoritairement pour le Hamas, organisation islamiste extrémiste recourant aux attentats terroristes. Le Hamas a pris de vitesse l’OLP et s’est emparé du pouvoir à Gaza, prônant la disparation d’Israël et dénonçant la modération du président palestinien Mahmoud Abbas.

 

 Intifada et la guerre des roquettes.

Les tensions entre Israël et les Gazaouis se sont ainsi enchaînées de manière lancinante. Les intifada se sont succédé en 1987 puis en 2000 sans que les Israéliens ne parviennent réellement à maitriser ces émeutes. La fin des années 2000 et le début des années 2010 ont été marqués par la guerre des roquettes. Des islamistes radicaux anti-israéliens, tolérés par le Hamas ou issus de la mouvance de ce dernier, lançaient, depuis des sites civils, des roquettes ou des attaques au mortier vers Israël. Les Israéliens ripostaient sans la moindre clémence pour les populations civiles avoisinantes, en détruisant les lieux dont étaient issus les tirs. Le gouvernement israélien a toujours estimé avoir le droit de défendre par tous les moyens la sécurité de sa population. En 2014, il a mis à profit un rapport de force militaire totalement à sa faveur pour exercer des représailles brutales qui sont allées jusqu’ à l’intervention des troupes terrestres.

La doctrine israélienne en la matière est simple et radicale : Israël riposte massivement, en espérant que les populations palestiniennes finissent par plier. L’opération militaire baptisée « bordure protectrice » lancée pour répondre aux tirs du Hamas qui, en utilisant des tunnels, obtenait un réel avantage stratégique, a laissé un solde de près de 2000 morts. Cette guerre de Gaza de 2014 avait amené la communauté internationale à exercer des pressions suffisamment fortes pour obliger Israël à poser les armes tandis que le Hamas, de guerre lasse, avait mis fin aux   attaques à la roquette. En octobre 2014, la communauté internationale s’était réunie au Caire et avait promis de débloquer 2.7 milliards de dollars pour reconstruire la bande de Gaza dévastée par la guerre de l’été 2014. La reconstruction attendue de Gaza n’a pas vraiment eu lieu, et les tensions ont redémarrées

La limite des accords d’Oslo

Le dernier épisode de mai 2021 et les pertes humaines qui l’accompagnent constituent ainsi une nouvelle forme historique du conflit récurrent entre Israël et les Palestiniens. d’autant qu’Israël ,dirigé par la droite radicale de Benjamin Netanyahu, a longtemps reconduit sa stratégie répressive sans paraitre se soucier des condamnations de la communauté internationale. La crise politique suscitée par les élections législatives de mars 2021 et l’incapacité de Benjamin Netanyahu à former une majorité pourrait bien changer la donne

La crise récurrente de Gaza marque la limite des accords d’Oslo. Ceux- ci voulaient aboutir avec le temps à l’établissement d’une autorité palestinienne capable de gèrer de manière prudente les Territoires palestiniens et dont Mahmoud Abbas aurait constitué la figure forte. Le règlement politique de la question de Gaza semble passer par l’évolution du Hamas vers des postions plus modérées et par un rapprochement entre le Hamas et de l’autorité palestiniennes de Mahmoud Abbas qui contrôle la Cisjordanie, mais un tel rapprochement a déjà maintes fois avorté

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